Limbo : l’Enfant et l’Enfer.

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Profitant de récentes soldes sur Steam, j’ai fini par acheter Limbo. L’ambiance m’attirait, le mystère aussi. Les jeux indépendants ont le vent en poupe depuis quelques années et ce titre le prouve une nouvelle fois !

Le vent en poupe… Le bateau… Bref, place au jeu.

 

La simplicité même

Limbo se présente comme un jeu de plateforme old school, cinq boutons dont quatre pour diriger votre bonhomme et un dit « d’action ». Celui-ci vous servira à activer les différents mécanismes présents tout au long du jeu. Appeler un ascenseur ou tirer une caisse seront à peu près les seules interactions mais aussi votre quotidien tout au long du jeu. Pas de prise de tête avec une liste de contrôles à rallonge, donc, mais cela ne veut pas dire que le reste des évènements sera facile ! Il faudra mettre à contribution vos méninges pour résoudre les énigmes et les puzzles naturels qui se mettront en travers de votre route. Heureusement, de nombreux checkpoints seront là pour éviter de tout recommencer à chaque fois et, du coup, le jeu n’est pas trop difficile à terminer. L’avancée se fait très naturellement et sans temps de chargement. En effet, la progression dans Limbo se déroule sur un scrolling horizontal où le début du jeu est un point A, et la fin un point B. En résumé il y a un unique niveau de quelques heures qui raconte une histoire !

Cet espèce de ver sur la tête craint la lumière mais vous force à aller tout droit.

 

Beau, court et cruel

Le voila donc le plus gros défaut du jeu : sa durée de vie. Trois heures. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce sont trois heures vraiment extraordinaires ! Il ne faut pas plus de vingt secondes pour assimiler les contrôles, il reste donc une poignée d’heures pour s’imprégner de l’ambiance, sursauter, comprendre et découvrir un monde halluciné et cruel. Ce noir et blanc prend aux tripes et ne nous lâche plus une fois immergé. Il nous plonge sans détour dans un univers ténébreux, alimenté sans cesse par les peurs de l’enfant que l’on dirige, ses craintes et sa vision du monde. Bienvenue dans les limbes, et vous n’en sortirez pas indemne.

Votre pire cauchemar.

 

C’est beau l’enfance

Limbo propose de mourir de mille et une manières différentes. Que ce soit noyé, écrasé, transpercé, déchiqueté ou encore démembré, vous allez de toute façon crever des dizaines et des dizaines de fois. Du bon « Die and retry » en somme, et en bien gore s’il vous plait. Cela a beau être du noir et blanc, on a mal pour le gosse. Entre les gerbes de sang et sa tête qui vole, mon cœur balance comme on dit. L’ambiance de ce titre est en réalité très malsaine. Rien à voir avec le côté apaisant des premières secondes du jeu, vous allez vite être confronté aux peurs primaires de votre enfance qui conditionnent également certaines de vos craintes aujourd’hui. Ce côté du jeu est très réussi car l’enfant n’a pas l’air vraiment terrifié d’évoluer dans ce monde -il n’a d’ailleurs aucune émotion- alors qu’il voit des choses absolument horribles, et surtout hostiles, mais cela semble normal pour lui ! Il vit avec, c’est son monde. Son monde de petit garçon perdu dans une forêt sombre, avec une araignée géante qui veut sa mort et où le moindre bruit est sans aucun doute un monstre hideux. Ce sont donc aussi nos peurs, nous joueurs adultes, mais vues et agrandies par un enfant et où le jeu vidéo fait le lien entre les deux. Chapeau bas.

Oh ! Un piège à ours. Game over.

 

Conclusion et analyse du jeu

En tout cas jouez-y, Limbo est vraiment un jeu intéressant tant dans sa construction qu’avec les émotions qu’il fait passer au joueur. De plus l’histoire à peine narrée mais énormément suggérée, amène à réflexions. Je vous en propose d’ailleurs une petite analyse ci-dessous. N’hésitez pas à réagir et à donner votre avis !

Attention, la suite de cet article contient des spoilers sur : Limbo.

Limbo possède cette particularité de laisser une grande place à l’imagination, d’interpréter comme on veut ce que l’on a vécu lors de cette expédition dans les limbes. Le pitch de départ est le suivant : « Incertain du sort de sa sœur, un garçon pénètre dans LIMBO ». On ne peut plus simple n’est-ce pas ? Si on suit la logique de cette phrase de mise en bouche, l’histoire n’appelle pas vraiment de réflexion. Le garçon se balade dans les limbes, avec toutes les peurs que celles-ci lui fait affronter, à la recherche de sa sœur décédée, et il la trouve à la fin. Le jeu peut très bien être appréhender de cette manière, mais comment interpréter ce à quoi on assiste tout au long de l’aventure, qui sont les autres personnages, que représente tel ou tel symbole ? Bref quelle est la vraie signification de Limbo ?

Mais qui sont ces autres personnes ? Pourquoi veulent-ils la mort du petit garçon ?

 

Certains y ont vu un accident de voiture. Le garçon et sa sœur sont morts dans cette tragédie et se retrouvent dans les limbes. Mais qu’est ce que les limbes d’ailleurs ? En gros c’est un endroit où vont les enfants non baptisés lorsqu’ils meurent. L’innocence mais pas le sacre les condamne à errer dans un monde qui n’est ni le Paradis, ni l’Enfer. Le néant, le vide. Le monde dépeint dans Limbo est plus proche de l’Enfer mais loin de la torture mentale qu’aurait pu représenter le néant (puis cela aurait difficilement été jouable !). Je pense que l’on peut mettre de côté l’aspect « baptême », pas vraiment abordé ni suggéré dans le jeu et nous concentrer sur l’univers hostile qui pourrait s’apparenter à un Enfer pour gosse. Les peurs sont fortement liées à l’enfance (les insectes gigantesques, le noir omniprésent, les enfants étrangers et méchants, les scies tranchantes, etc.) et à chaque fois elles sont synonymes de la mort. Hors, dans un monde normal, les gosses ont peur mais tout n’est pas forcément dangereux ou mortel ! Cela me rappelle par ailleurs La petite fille qui aimait Tom Gordon de Stephen King. Livre qui raconte l’histoire d’une gamine qui se perd dans la forêt et qui va s’imaginer des trucs hallucinants qui se passent dans le noir. Les bruits, les déplacements d’air et l’imagination, bref la peur primaire. Lisez ce bouquin si vous en avez l’occasion, il est aussi court que génial. Le début de Limbo m’a vraiment rappelé cette histoire. Si la suite du jeu change d’environnements plusieurs fois, j’aime bien rester sur cette vision du petit garçon perdu dans la forêt qui s’imagine mourir à chaque buisson car il a peur. Juste peur.

Macabre rencontre.

 

M’enfin, revenons au sujet : les limbes et l’accident de voiture (faut suivre). J’ai lu cette théorie sur le net et j’avoue l’avoir bien aimé. Ceci expliquerait bien pourquoi on aperçoit des pneus un peu partout dans le jeu. Certains en feux, d’autres planqués dans le paysage. Des éventuels tonneaux lors de l’accident expliqueraient les changements de direction de la gravité ainsi que le décor qui tourne dans les derniers niveaux. Enfin, la scène ou le garçon traverse une espèce de paroi en verre, ce serait tout simplement le pare-brise du véhicule, signant son arrêt de mort et par la même occasion la fin du jeu. C’est vraiment bien trouvé je trouve ! Cela dit j’ai une autre théorie.

Un lieu caché dans le jeu où l’on pourrait se perdre… Apaisant et infini.

 

Dans ma théorie, le garçon est mort mais le personnage féminin est toujours en vie. Et si elle n’était pas sa sœur, mais sa mère ? On la voit pleurer, prier au pied de ce qui semble être une cabane construite dans les arbres. Je pense que le gamin jouait dans sa cabane de fortune, qu’il est tombé, et mort sur le coup. On a l’impression qu’il y a un corps à côté de l’endroit où pleure la mère à la fin. Le jeu démarre au cœur des limbes et le gosse entreprend un périple pour en sortir et ainsi saluer une dernière fois l’être aimé. Petite remarque par rapport au début du jeu, c’est l’action d’appuyer sur un bouton qui va réveiller le gamin. Si vous n’étiez jamais passé par ici, il serait à jamais assoupi dans les limbes… A la fin du jeu, la vitre cassée est un passage entre le monde des limbes et le monde réel. Le garçon arrive à le franchir en risquant une mort quasi certaine (franchement, combien de fois êtes vous mort à cet endroit ? Même si la mort n’est pas définitive dans les limbes, elle vous retarde indéfiniment si vous n’arrivez pas à la surmonter) et se réveille, tout seul cette fois ci, sans l’aide du joueur, non loin du lieu du drame où sa mère pleure encore et toujours. Il s’approche mais elle ne le voit pas, ne se retourne pas. A un moment elle se relève, l’air surpris, alerte mais ne vois pas son petit garçon dans l’autre monde. Elle le sent, un dernier signe pour son salut, mais n’arrive pas à aller au-delà. Fin de l’histoire, puis retour au menu où l’on aperçoit la même scène des années plus tard l’échelle cassée, le tout en ruine et des mouches tournant autour de ce qui s’apparente à un cadavre. La mère serait-elle morte de chagrin ?

La scène finale, aussi touchante que mystérieuse. J’ai vraiment l’impression qu’il y a un corps à côté de la femme.

 

Les limbes sont à l’image des souvenirs et des peurs de l’enfant. Il a construit son propre monde sur son court vécu (ceci pourrait expliquer pourquoi le jeu possède une durée de vie si faible haha). Son père ou sa mère travaillait peut-être dans une scierie. Ses escapades en forêt étaient une libération après avoir passé tout son temps en ville, sous les néons des hôtels et la cruauté des autres enfants qui le persécutaient. Qui sait ? On peut trouver mille explications pour mille détails du jeu. Je vous laisse donc à votre imagination pour y réfléchir, et aux commentaires ci-dessous pour partager votre vision des choses.

Limbo.

 

Qualités

  • L’ambiance et l’esthétique
  • Presque flippant mais complètement malsain
  • Un gameplay simple, précis et efficace

 

Défauts

  • La durée de vie un poil courte

 

Note globale : 4.5/5

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12 réponses à “Limbo : l’Enfant et l’Enfer.”

    • Sympa ton analyse et belle interprétation personnelle du jeu. Moi je me suis dis que l’enfant c’était certainement suicidé. J’en suis venu à cette conclusion grâce à la lueur qu’on peux apercevoir dans ces yeux qui est curieusement identique à celle des larves qui rentrent dans la tête et qui poussent à aller tout droit quitte à mourir si on ne fais pas assez attention. Les larves seraient alors la métaphore d’une idée sombre (les larves craignent la lumière) une idée aussi sombre que celle de se suicider.
      Je pense que son suicide a entraîné la mort de plusieurs enfant ça expliquerai d’après moi le comportement des autres enfants qui veulent le tuer. Peut-être le rendent ils responsables de les avoir amener dans cet endroit et que pour eux la seul solution d’en sortir et de le tuer ?
      Avez vous remarqué la taille des pneu ? Peut être s’agissait-il d’un bus scolaire ? Sur la cause exacte de la mort on peut se demander effectivement si il n’a pas eu lieu un accident de voiture à moins que les « tonneau » soient une façon de représenter la psychologie de l’enfant avant de se donner la mort et la vitre qu’il traverse la frontière entre la vie et la mort… Voilà mon interprétation =)

       

  1. La théorie de l’accident de voiture est vraisemblablement la plus plausible (le héros passant à travers la vitre à la fin appuie considérablement cette hypothèse). De plus, l’univers possède une thématique très « mécanique » avec les nombreux rouages à traverser, les roues à éviter etc..

  2. Ça fait longtemps que je voulais réagir ici mais j’avoue que ça m’était sorti de l’esprit. Je me rattrape donc avant de me faire taper sur les doigts.

    Déjà, très bonne critique. C’est vrai qu’on a l’air d’avoir perçu le jeu un peu de la même manière. Et puis, de toute façon, d’après ce que je vois à droite à gauche, l’atmosphère de Limbo marque beaucoup les esprits à tel point qu’ils ont du mal à trouver un autre jeu du genre pourvu de la même intensité.

    J’apprécie beaucoup que tu ais mis en avant le comportement de l’enfant. J’avoue que c’était un détail auquel je n’avais pas pensé mais maintenant que tu en parles, c’est vrai que c’est assez troublant ce manque de réaction de sa part. Pourquoi donc ? Une exagération de la naïveté qui fait qu’il ne se rend pas compte de l’horreur qu’il vit en se baladant dans ce monde sans pitié ? De mon côté, je pencherais plus sur une détermination de fer quant à atrteindre son objectif et retrouver sa soeur. Une détermination tellement démesurée qu’il ne recule devant rien et ne se laisse pas submerger par la peur. Quand j’y réfléchis, je vois là une belle façon qu’on a tendance à vraiment sous-estimer les enfants, qu’ils sont bien plus courageux et bien plus capable d’encaisser psychologiquement l’horreur et la violence traumatisante qu’on ne l’admet. Qu’on a peut-être trop tendance à les couver et qu’ils sont pleinement capables de faire face à toute la négativité de la société sans qu’on ait à les protéger à grands coups de visions utopiques de contes de fées. Bon, ok, je suis partie loin mais c’est fou comment Limbo est un jeu sujet à moult réflexions et interprétations.

    • Merci Margoth pour ton avis.

      Limbo fait partie de ces jeux qui ne laissent tellement rien transparaitre, que l’on peut inventer des théories plus farfelues les une que les autres. On peut critiquer, ou pas, ce genre de démarche, mais cela donne un peu d’exercice au cerveau ! Pour une fois, j’ai envie de dire 🙂

  3. […] Parce que je sais que vous kiffez les belles choses, voici un lien qui va vous plaire. L’artiste a jugé bon de faire rencontrer Limbo avec des personnages de dessins animés. Si vous aimez le jeu, je vous invite à lire la chroniques (et analyse) de Limbo présente sur le site. […]

  4. Salut !
    Ça fait un bail que personne n’as re-posté sur le sujet ,
    Quelqu’un a t-il une réponse par rapport a la signification de l’araignée ? Ses ronronnement semblables a ceux d’un chat , etc ?
    Monstrueusement maternelle cette créature.

  5. Merci pour ton critique, je suis tombé ici car après avoir jouer j’aimerais rechercher le mystère du jeux et ton avis m’a éclaircir un peu sur ce monde, moi aussi je suis du même avis sur le fait que la peur appartient bien au monde des enfants, araignées, noir, coulé dans la rivière, enfant méchant… mais quand j’ai vu le façon dont l’enfant meurt à chaque échec alors c’est plutôt barbare et horrible ce qui m’a changé ma façon de raisonné que ce jeux n’est pas du tout fais pour les enfants, c’est pour moi comme tous les films d’horreur, au début du film tu te réveille dans un monde inconnu, sans avoir pourquoi ou comment tu es arrivé dans cet endroit, c’est plutôt un homme qui est endormi est c’est réincarner dans un corps d’enfant et prisonnier dans un autre monde dont il devrait subir une mise à l’épreuve! et que dans cet mise à l’épreuve lorsqu’on meurt alors cela infecte directement ton corps réel, que la douleur ou la mort même dans son sommeil est devenu réel dans son corps réel appartenant au monde vivant! pour ma part ton point de vu est plutôt logique car pour ma façon de raisonné est bien loin de la réalité du jeux!

  6. Hello ! INSIDE et LIMBO sont pour moi 2 très bons jeux. Personnellement Playdead s’est démarqué par ce style de jeu avec son propre scénario univers et ambiance et atmosphère de jeu. C’est unique. (Un peu comme l’a été Another World sur Amiga à sa sortie dans les années 90). Là on est loin des jeux triple A et des grosses industries. Et ça fait du bien ! Exactement comme le jeu Brother A tales of Two Sons aussi. Bref, ces jsux là même LIMBO apporte de l’émotion, une réflexion sur le scénario qu’on peut s’approprier soi-même et être pris dans une ambiance captivante et la bande son aussi apporte son grain de sel à l’édifice. JE joue encore à LIMBO sur PS4 (et INSIDE) en 2024 et c’est toujours un réel plaisir d’y jouer. Très belle réussite et longue vie à PlayDead. Merci Arnt Jensen pour LIMBO.

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