Depuis quelques mois, c’est-à-dire depuis que je passe beaucoup trop de temps dans les transports, j’écoute des podcasts, principalement sur les jeux vidéo. J’en parlais dans une précédente chronique, j’ai découvert par exemple l’excellent Ludologies. Aujourd’hui, et c’est ce qui m’a inspiré ce nouvel édito, que j’annonce d’ores et déjà bien énervé, je viens de terminer d’écouter une longue conférence (2h30) intitulée Art, Culture et Jeu. Si vous souhaitez l’écouter (ou pire, la regarder), je dépose la vidéo ci-dessous.
C’est bon, vous avez visionné la conférence ? Non ? Ce n’est pas grave, parce qu’on n’y apprend de toute façon rien de bien palpitant. Le sujet est vaste, pas inintéressant, bien qu’un peu générique. Il est à l’image de la majorité des intervenants en fait, qui se perdent dans des discours fourre-tout, en argumentant dans un sens puis son opposé, sans trop se mouiller ni aller au bout de leurs réflexions. L’auditeur subit alors des phrases interminables, des digressions à en oublier le propos de départ, et un langage, pourtant très fleuri quand il s’agit de balancer des généralités, qui se restreint à des « quelque chose » et un tas de mots-valises pour argumentaire. D’ailleurs, à part un Spec Ops : The Line sorti in extremis en fin de conférence, quasiment aucun exemple de jeu vidéo n’est mentionné pour étayer les différentes démonstrations. De généralités en généralités, aucun ou peu de jeux figurent finalement dans les propos. Et c’est bien ça qui me pose problème.
Ce sont donc des penseurs comme ces intervenants qui dessinent aujourd’hui les contours élitistes de l’analyse vidéoludique ? Bien à eux, mais à un moment ou un autre il va falloir songer à parler du jeu vidéo, de comprendre son histoire, ses mécanismes, ses métiers et le spectre du marché actuel.
Pour couronner le tout, en plus de laisser de côté le jeu vidéo, j’ai l’impression que ces représentants, à priori même ces « référents », se servent du média, et donc de sa portée auprès du public, pour faire passer leurs convictions personnelles avant l’analyse objective. C’est vraiment ce point qui commence à m’énerver et m’a décidé à écrire ce présent article.
Cette réappropriation existe depuis longtemps, cantonnée néanmoins à quelques canards (ou personnalités) qui ne s’en cachent pas, engagés et pas toujours inintéressants par ailleurs. Cela me pose davantage de questions lorsque je constate le phénomène au travers de cette conférence Art, Culture et Jeu dont il est question aujourd’hui. Au sein d’une assemblée publique, détourner une réflexion sur le jeu vidéo pour en faire un discours politique décomplexé, ça me gêne énormément. Il faudrait que je regarde d’autres conférences du Stunfest (où a été tournée Art, Culture et Jeu) pour constater l’étendue des dégâts. Celle-ci n’a, pour sa défense, aucun fil conducteur apparaissant clairement au cours des discussions. Les intervenants en profitent donc pour partir dans de riches monologues sans début ni fin (ça doit être vachement difficile, quand j’y pense) et livrent ainsi, exempts du moindre garde-fou, toute leur massive idéologie ; en rapport avec le jeu vidéo ou non.
De mon côté, j’ai perdu 2h30 certes (et sans doute d’autres heures à venir pour savoir si cette conférence est un cas isolé ou non), et à la limite on s’en fout un peu de cette conférence en demi-teinte, mais cela m’a définitivement alerté sur ces pratiques de réappropriation qui fleurissent ici et là, et surtout dans le monde du jeu vidéo depuis quelques temps. Bref, avant de boire les paroles des « élites », méfiez-vous des jolis mots et des idées de propagande qui se cachent derrière, en embuscade. Le monde vidéoludique est passionnant à analyser, à tenter de comprendre, et s’il y a un truc que je n’apprécierai pas, c’est que cette restitution tombe entre de mauvaises mains.
4 réponses à “Art, Culture et Jeu, la conférence valise”
Tout à fait d’accord avec cet édito, cette conférence reflète bien le niveau de médiocrité dans lequel s’enlise la critique vidéoludique qui semble dépourvu de la moindre évolution.. Espérons que cela ne soit dû qu’à la jeunesse de notre média et qu’une réelle critique puisse émerger car en l’état actuel des choses cela lui porte clairement préjudice.
Depuis, j’ai écouté d’autres conférences réalisées dans le même cadre (Stunfest) et ce que j’y ai entendu m’a un peu réconforté par rapport à cet édito : il existe des intervenants vraiment intéressants, qui maîtrisent leur sujet et en parlent sans manière détournée.
J’en découvre encore quelques unes, et je pense que je referai une chronique, en présentant cette fois une sélection de conférences dignes d’intérêt.
Tant mieux, j’attends cet édito avec impatience car j’ai l’impression que la critique vidéoludique (dans tous les cas francophone)n’est vraiment pas à son aise dès lors qu’elle sort du cadre de traitement d’actualité/tests (comme on testerait d’ailleurs un pur produit de consommation -et quelle est la légitimités de tels tests ?-) et que l’analyse en profondeur n’est pas son fort (même si il existe évidemment des exceptions -je pense notamment à Icare Mag-).
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