Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais j’adore la série des Souls. Leur papa, Hidetaka Miyazaki, est également le géniteur de Bloodborne. C’est donc avec une certaine impatience que j’attendais ce nouveau titre du studio From Software. A vrai dire, j’avais fait black-out sur toutes les informations distillées avant la sortie, essayant de me préserver au maximum du contenu du jeu. Ce que j’aime dans les Souls, c’est me plonger corps et âme dans leur univers et leurs mécanismes cryptiques, quitte à ne rien comprendre lors des premières heures, et à tout découvrir en cours de jeu. Il s’agit peut-être là d’une approche étrange, mais c’est de cette manière que je prends le plus de plaisir à explorer ces mondes originaux et riches en surprises !
L’univers de Bloodborne est fascinant. Sombre, malsain, énormément inspiré des origines du genre fantastique, il est avant tout une déclaration d’amour à l’architecture gothique. De plus, la direction artistique a vraiment quelque chose d’extraordinaire. L’écran se voit régulièrement surchargé de bâtiments immenses, de statues effrayantes, de débris, de cadavres, de charrettes abandonnées et d’ustensiles divers. Cela en devient presque étouffant, là ou un détail peut se cacher dans chaque coin. Un détail, un objet, ou un monstre bien entendu. De fait, le joueur se méfie constamment de son environnement, tout en admirant le travail artistique hallucinant proposé par les concepteurs. De temps à autre, la lumière change, les couleurs se transforment et l’on se surprend encore à observer le décor, aux pullulants détails une nouvelle fois modifiés. En effet, le jeu est rythmé par cette avancée chronologique au fil des évènements, où le jour fera place au crépuscule, puis à la nuit.
La narration de Bloodborne se base ainsi sur ces avancées ponctuelles de la journée puis de la nuit. Le cheminement se fait suite aux victoires sur certains boss. Le ciel change, cela signifie que l’histoire avance. Une narration perturbante lors d’une première exploration, mais qui prend davantage de sens en New Game +. C’est subtil, dirons-nous. Chaque « période » apporte son lot de phénomènes, annexes ou non, et revenir dans certaines zones du début peut réserver quelques surprises. La couleur du ciel influence réellement l’univers de Bloodborne et ses habitants (les PNJ demeurant assez anecdotiques, au passage). Passé le flou général du premier run, le système narratif se montre ingénieux, et au final, on s’y retrouve assez facilement. Pour le reste, l’histoire est toujours aussi hermétique que celle des Souls. De la même manière, Bloodborne se base sur des thèmes assez universels, qui parlent au moins à tout le monde, où chacun peut se faire une idée de l’univers et « imaginer » un récit plus ou moins proche de celui écrit par Miyazaki et ses sbires. Le Feu, les Âmes, la Mort, et la Malédiction de Dark Souls laissent désormais place au Sang, à la Chasse, aux Rêves et Cauchemars ainsi qu’à la Folie. Mais nous y reviendrons bien plus en détail lors d’un prochain article.
Côté gameplay, la révolution annoncée n’est finalement pas si révolutionnaire que ça. On gagne en fluidité, certes, mais le feeling (et la caméra capricieuse) reste très proche des Souls. La rondache a été troquée contre un pistolet qui permet de bloquer les attaques des ennemis en tirant au bon moment, avant de leur infliger un coup critique bien violent. Un peu comme les boucliers des Souls au final… Qui plus est, le timing du pistolet apparait parfois un peu étrange. Entre trop permissif ou pas du tout, et ce sur les mêmes patterns des adversaires, l’issue des combats se révèle de temps à autre surprenante ! Néanmoins, le phénomène reste rare et on s’acclimate plutôt bien à ce gameplay amélioré. Les esquives ont aussi gagné en fluidité et il apparait bien plus facile de se tirer d’un mauvais pas.
D’ailleurs, en termes de difficulté, Bloodborne se montre beaucoup plus accessible que ses prédécesseurs. Excepté quelques boss un peu retords, la progression reste vraiment fluide. Rien d’insurmontable dans les différents obstacles rencontrés ni dans le bestiaire affronté. Avec un peu d’attention et une bonne maitrise de l’esquive, l’aventure peut aller très vite. Inutile de chercher un équipement plus costaud ou une arme plus efficace, il est possible de terminer le jeu en utilisant le matériel du début du jeu. A noter que changer d’arme équivaut à une nouvelle façon d’aborder les combats. En effet, chacune d’entre elles apporte un gameplay un peu différent. Le concept est intéressant, je trouve, pour varier les plaisirs des différentes parties. Car Bloodborne est un titre qui se découvre au fil des New Game +. Entre les secrets bien cachés et le level design tortueux, il subsiste à chaque nouvelle partie un détail qui se dévoile.
L’autre nouveauté de Bloodborne réside dans l’utilisation de Calices. Il s’agit de donjons à créer à l’aide d’ingrédients rares, puis à explorer. La durée de vie se voit ainsi décuplée, avec toujours plus de Calices à parcourir. Il en existe quatre sortes, eux-mêmes découpés en quelques étages puis en plusieurs configurations. Problème, la progression est très redondante. Sur le papier, tout a l’air intéressant, mais en pratique, une fois quelques étages parcourus, on se rend vite compte du côté répétitif des donjons. Rien à voir avec les autres zones du jeu, ouvertes, bien construites et variées, les Calices se contentent de couloirs, de salles au trésor, d’égouts crades et d’un bestiaire plus que limité. Grosse déception pour ma part, j’aurai préféré que From Software dépense son énergie sur d’autres zones liées à l’histoire principale, plutôt que d’imaginer et mettre en place un système de donjons aussi ennuyeux.
Malgré le système de Calices raté, Bloodborne est vraiment un excellent titre. Je tenais à le rappeler avant de continuer, car ce qui suit risque de vous paraitre un peu étrange. En effet, Bloodborne est fantastique, pourtant il reste toujours l’héritier des Souls, et plus particulièrement du premier Dark Souls (le précédent jeu de Miyazaki pour rappel). Et malheureusement, si l’on devait comparer les deux titres, Bloodborne est clairement en dessous de son ainé. Disons qu’il n’a pas l’originalité de Dark Souls. Là où ce dernier nous faisait explorer Lordran avec une certaine cohérence, une verticalité affolante (on descendait dans les profondeurs avant de remonter vers la cité magnifique d’Anor Londo, pour finalement se perdre à nouveau dans les tréfonds du monde) accompagnée d’un level design adapté, compréhensible et parfaitement maîtrisé, Bloodborne nous présente un monde plus décousu. Certes le level design reste très bon, mais il ne possède pas la logique de la configuration de Lordran. On perçoit trop à l’avance où peuvent aboutir les raccourcis. Des grilles fermées, des ascenseurs qui ne fonctionnent pas, et hop, un peu plus loin tout se recoupe. Le level design manque de surprises, à mon sens. Il subsiste bien quelques ingéniosités (heureusement), comme l’arrivée, un peu par hasard, à la clinique de Iosefka, mais globalement, on est très loin de ce qu’a pu proposer Dark Souls sur le sujet. De la même manière, j’avais trouvé l’exploration de Dark Souls beaucoup plus originale, et surtout plus cruelle avec le joueur. Il existe peu de pièges dans Bloodborne, et ils peuvent être facilement esquivés une fois connus. Souvenez-vous des malédictions de Dark Souls, qui amputaient le maximum de barre de vie de façon provocatrice, et ce sans remède immédiat. Souvenez-vous des redoutables hydres et du dragon rouge qui bloquaient l’accès à certains trésors, monstres annexes, difficiles, mais qui saignaient pourtant sous les coups du joueur. Souvenez-vous des fantômes de la Nouvelle Londo, tout simplement invincibles excepté contre une sorte d’arme que l’on trouvait ou forgeait bien plus tard dans le jeu. Il n’y a malheureusement rien d’aussi sournois dans Bloodborne. Et puisque l’on parle de forge, il apparait nécessaire de signaler que le dernier titre de From Software s’est vu sensiblement simplifié sur le sujet, voire sur toute la partie des statistiques. Plus de poids à gérer, plus de magies, plus de forges spécialisées, plus de serments, et enfin, des caractéristiques simplifiées. Attention, ce n’est pas un reproche du genre « j’aurais souhaité un nouveau Dark Souls avec les mêmes mécanismes », au contraire j’attendais vraiment des nouveautés de la part de ce Bloodborne, et il se trouve qu’il n’a pas la richesse de son prédécesseur. Certaines idées sont bonnes, voire excellentes, mais sur la globalité du titre, on reste loin d’un Souls. Ce qui n’empêche pas, je le rappelle, que Bloodborne soit un très bon jeu. Cependant, je tenais tout de même à exposer mon ressenti vis-à-vis des Souls, et notamment Dark Souls qui a véritablement su proposer une expérience hors du commun. A mon avis, si même Bloodborne apparait bien en deçà, cela signifie amèrement que le coup de maitre n’est pas prêt d’être renouvelé !
Si Bloodborne n’a pas su transcender la série, il reste tout de même un excellent titre. Plus fluide, dans son gameplay et sa progression, et moins retord pour les plus impatients, il fascine surtout par sa patte artistique et son univers, obscur au sens propre comme au figuré.
4 réponses à “Bloodborne – des âmes aux échos de sang”
Salut et merci pour cet article!
Dans le fond je suis globalement d’accord avec ton analyse, mais je ne serai peut être pas aussi dur sur certains points.
Je pense que quand tu critique l’aspect exploration du jeu et la facilité avec laquelle tu t’y retrouve, ne pense tu pas aussi que si tu galère aussi peu par rapport à Dark souls ça ne serai pas aussi dû au fait qu’aujourd’hui on soit des « vétérans » des jeux de from software, et que du coup c’est aussi nous qui sommes plus difficile à surprendre? C’est vrai moi aussi j’ai probablement plus facilement exploré certaines zones, mais je prends ce paramètre en compte, conscient du fait qu’à l’époque de Dark souls je ne connaissais pas encore les mécanismes de level design de miyasaki.
Après il est clair qu’il ne faut pas nier la plus grand accessibilité (même si ça reste relatif, on est encore loin d’un uncharted lol) du jeu, surtout dans l’approche RPG, grandement simplifié, comme tu l’explique. Mais pour ma part je pense que c’est un parti pris assumé des développeurs, pour essayer d’ouvrir leur jeux à un autre public que les amateurs d’action RPG, surtout les réfractaire de ce genre, mais qui pourrait être attiré par tout ce qu’à a proposer bloodborne sur d’autres points, et dieux sait qu’il y en a des tonnes d’intérêt aux jeux de from software…
En tout cas j’attends de pieds ferme ton analyse de l’univers, ça me permettra d’éclaircir certaines zones d’ombre du jeu… :p
Salut,
merci pour cet article,
je rejoins globalement ton analyse du Jeu.
Dans l’ensemble le jeu paraît plus accessible et moins difficile que Demon Soul et Dark Soul.
Cependant je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi, le Level design de Bloodborne est de très haute volée, je pense qu’on est totalement rompu au genre avec les 2 derniers Dark souls, on connaît la recette par cœur et les mécanismes nous sont familiers, il y a beaucoup moins d’effets de surprise, par exemple on sait qu’avant chaque boss on va trouver notre petit raccourci pour retourner facilement à la lanterne.
Le jeu à bien évidemment des défauts, comme toi je ne suis pas Fan des Donjons du Calice beaucoup trop répétitifs, le jeu manque un peu de contenu et de zones cachées, et le problème de caméra foireuse sur les boss imposant n’a pas été résolu.
Par contre la direction artistique et l’ambiance m’ont scotché (le travail sur le son !), le système de combat beaucoup plus dynamique est une vrai force, ce que le jeu fait de mieux est sans doute les combats de chasseurs, qui à mon gout ne sont pas assez mis en valeurs. L’histoire toujours aussi cryptique qui emprunte beaucoup à Lovecraft, est très intéressante.
Avec du recul et de la durée je pense que Bloodborne et son ambiance cauchemardesque me laissera une marque supérieure à Dark Soul que j’avais adoré.
Vivement les DLC qui seront annoncés après l’E3 !!
Hello,
L’article date, mais je tenais à apporter ma Pierre à l’édifice.
Ayant découvert la série des souls récemment, après avoir lancé par hasard le jeu offert du PS plus Bloodborne.
J’ai fait mon premier run en une cinquantaine d’heures il me semble en ayant retourné toutes les zones, une bien cachée mise à part.
J’ai failli abandonner sur le premier boss obligatoire tellement j’ai galéré.
J’écris ce commentaire car j’ai maintenant terminé Dark Souls premier du nom et peux donc vous dire, de par mon expérience, que le premier souls que l’on fait nous marques, et se trouve être le plus difficile à surmonter.
En effet certaines mécaniques ne sont assimilés qu’au cours de fin de premier run voir second run, voir plus tard encore.
J’ai d’ailleurs augmenter la difficulté sans le savoir en ne sachant pas quelle stat monté et en n’augmentant pas mes armes dès que possibles mais seulement quand elles commençais à s’approcher du seuil de détérioration critique(la réparation fragilisant les armes d’après les explications du jeu).
J’ai finalement trouvé bloodborne plus dur que dark souls, mais alors que, à la base je ne suis pas trop fantasy, j’ai été plus surpris par dark souls, l’arrivé à annor londo est vraiment magique, et le côté un peu plus poussé du RPG de dark souls m’a permis de plus m’investir dans l’analyse des armes et armures, surtout avec le système de poids d’équipement qui me faisait utiliser des armures que je n’aurais peut-être pas utilisé avant.
[…] deux premiers runs, le jeu me paraissait moins marquant que Dark Souls, comme je l'explique dans cet article. En refaisant le jeu, DLC The Old Hunters inclus (sorti en novembre 2015), et cette fois-ci […]