Développé par le studio français (cocorico !) Arkane Studio, et produit par le géant américain Bethesda Softworks, Dishonored s’est un jour annoncé au travers d’un trailer complètement hallucinant. Depuis, tout le monde a récupéré son dentier, et le jeu a pu sortir à point nommé pour la fin d’année, et donc les fêtes. Dishonored se veut être un FPS assez original, loin des modèles peu enthousiasmants de ces dernières années, lorgnant plutôt du côté du mythique Half Life 2 par exemple. On va le voir, cette production est un pot-pourri de ce qu’il s’est fait de mieux en matière de FPS, retraçant par cette occasion les sublimes origines du genre. Mais arrivera-t-il pour autant à avoir sa place au panthéon ?
Une histoire de déshonneur
Vous êtes Corvo, une espèce de colosse assassin au service de sa majesté, dans un monde inventé de toute part, entouré et bercé par la divinité de la Mer. Même si le jeu se déroule exclusivement sur la terre ferme, l’univers de Dishonored tourne autour du monde aquatique. Les légendes qui forgent les croyances viennent de nombreux pécheurs, et la ressource principale d’énergie est l’huile de baleine. Tout, ou presque, est centré sur l’eau et, s’inspirant de Bioshock, on sera amené à en découvrir toutes les vertus (ou les dangers) au travers de nombreux livres et enregistrements audio disséminés dans le décor, ainsi que par les nombreux dialogues disponibles auprès des personnages secondaires. L’univers n’est pas si dense, cela dit, mais reste vraiment agréable à découvrir au fil des heures. Il est d’ailleurs porté par une remarquable direction artistique, vision personnelle d’une monarchie évoluant au sein des mécanismes gargantuesques de la révolution industrielle, et alimenté par un contexte intriguant : la peste fait rage et les évènements mystiques sont très loin d’être rares. L’Outsider est peut-être plus qu’un simple mot du peuple, finalement.
La peste est donc le problème le plus préoccupant à l’époque où commence l’histoire de Dishonored. Vous découvrirez très vite à vous méfiez davantage des complots au sein même de la haute hiérarchie. Vous perdrez finalement tous vos biens (et vos croyances), et serez enfermé dans le plus sombre cachot de Dunwall, la ville souveraine où se déroulent les évènements. L’honneur n’est pas sauf et vous venez de comprendre le titre du jeu. Bien, on peut commencer. Corvo est un homme de terrain et un maitre de l’infiltration. Dans un contexte qui vient clairement d’empirer depuis des mois, où les méchants ont pris le pouvoir, et où la peste fait des ravages dans les rues, un héros comme l’ancien homme de main de l’Impératrice pourrait renverser la situation. Un groupuscule de gens malins ont bien saisi le problème et décide (enfin) de faire sortir Corvo de sa cage. La vengeance débute et, plus ou moins, l’histoire aussi. Durant plus d’une vingtaine d’heures, vous vous vengerez, tranchant des artères et cachant des corps, devenant invisible aux yeux de vos ennemis. Le programme est terriblement alléchant, d’autant plus que le gameplay est d’une saveur inouïe.
Maitre Corvo sur un arbre perché
Parler du gameplay de Dishonored reviendrait grosso modo à faire une énumération de superlatifs sans fin. Difficile donc, de ne pas devenir ennuyant ! En tout cas, nous avons affaire ici à un cas d’école de FPS agréable à jouer. L’orientation infiltration est très réussie. On peut grimper en haut des bâtiments pour observer son environnement, repérer une cible et foncer littéralement dessus. C’est purement jouissif et, même s’il est possible de terminer le jeu sans tuer personne, avoir toutes ces vies entre nos mains est quelque chose de puissant. Corvo, le joueur, est une ombre destructrice, dotée qui plus est de pouvoirs magiques exceptionnels. A vous la téléportation, la prise de contrôles des rats afin de se faufiler dans les conduits étroits, ou encore le ralentissement du temps pour réparer in extremis une erreur qui pourrait vous révéler au grand jour. La palette est impressionnante et n’a d’imagination que l’esprit du joueur. De plus, le level design est implémenté de façon à mettre à rude épreuve cette inspiration destructrice. Pour chaque mission, il existe en effet quantité de chemins différents, de manières d’appréhender un problème ou de le solutionner. Fouiller chaque coin et recoin du jeu prend un temps fou, mais l’on est toujours récompensé par un objet rare, un bouquin intéressant, ou tout simplement un beau point de vue.
Là où j’ai été moins emballé (il faut toujours un mais) c’est sur la grande facilité du jeu. On assiste à un parcours de santé tout au long du jeu, même en mode Difficile, c’est malheureux. Un certain challenge aurait amené à faire travailler au maximum son inspiration et la manière d’aborder chaque lieu, chaque situation. Finalement, on tranche à tout va. Avec un maximum de classe, certes, mais sans jamais vraiment forcer. Corvo est très puissant, sans doute trop. Les gardes ennemis, toujours seuls et sans patrouille, ont également leur tort. Ils sont animés par une intelligence artificielle vraiment laxiste, presque aveugle. A l’inverse de Thief : Dark project, les zones d’ombres sont mal (ou pas du tout) gérées et la vision de chacun est trop réduite, le joueur peut presque marcher à côté d’eux sans se faire repérer. Le fait de se pencher le rend totalement invisible, c’est du délire ! Autre exemple, si l’on ouvre une porte, que le garde voit la porte s’ouvrir mais pas le héros caché dans un coin, il ne réagit aucunement… Trop permissif, le jeu devient trop facile. Libre à vous de se forcer un challenge, comme ne pas utiliser certains pouvoirs ou armes trop efficaces, mais ce serait passer par la même occasion à côté d’un gameplay, comme je l’ai dit plus haut, jouissif et extrêmement complet. Dishonored joue donc ici une carte à double tranchant, et c’est au final ce qui risque de plus le pénaliser.
Dishonored : un excellent jeu, mais
Autre tare et pas des moindres, l’histoire est terriblement décevante. D’ailleurs, le final du jeu, durant pas loin de cinq heures soit-dit au passage, est aussi pénible, pour ne pas dire chiant, qu’inutile. L’univers mis sur pied pour la peine méritait mieux, le joueur aussi. Si les évènements du début sont intéressants, on sombre rapidement dans une étrange routine. Etrange car chaque mission, en tant que telle, est géniale et se suffit à elle-même, mais le contexte général et la structure du scénario déçoivent, jusqu’au final, donc, grandguignolesque.
Vous l’aurez compris, malgré ses évidentes qualités, Dishonored déçoit. Peut-être fallait-il être moins parfait sur certains points et plus rigoureux sur d’autres, mais l’équilibre du jeu idéal, comme le peuvent être Bioshock, Deus Ex, ou Half Life 2 dont s’inspire largement le titre d’Arkane Studio, n’est ici pas atteint. On passe toutefois un bon, voire très bon moment. C’est évidemment un jeu à faire, que je recommande chaudement en ces temps remplis de FPS sans saveur ! On va dire que son ambition de départ était de toute manière inaccessible.
Qualités
- Univers victorien original
- Gameplay tout simplement parfait
- Le sentiment de toute puissance qui émane de Corvo
- Bonne durée de vie alimentée par les nombreux passages cachés
Défauts
- IA à la ramasse
- Infiltration beaucoup trop aisée
- Dernière partie très décevante
- Vise finalement un peu trop haut pour son gabarit
Note globale : 4/5
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3 réponses à “Dishonored, de Gordon Freeman à JC Denton”
Sympa ta critique du jeu, et j’ai été assez surpris de lire ta position sur la trop grande facilité du jeu. C’est un point que je n’avais pas lu dans d’autres critiques.
Mais qu’est ce qui te déçoit: globalement l’absence de challenge? Le fait de pouvoir traverser le jeu trop rapidement ? De ne pas « bloquer »?
En tout cas ça a tendance a me conforter dans l’idée d’y jouer en difficile directement
Oui, l’absence de challenge principalement. En gros on te donne énormément de possibilité et de puissance, mais rien ne te force à réfléchir comment les utiliser car les situations sont trop simples à résoudre. Il n’y a pas de groupes d’ennemis, tu peux tuer tout le monde sans te faire repérer. De plus, l’IA est à la ramasse, ce qui facilite encore plus le massacre.
C’est un peu comme si on te donnait dix kilos de dynamite pour détruire un cabanon, mais en version furtive 🙂
[…] la même manière, à savoir un bon gros coup de shotgun. A vrai dire, Dishonored m’avait fait le même effet à l’époque avec ses pouvoirs super balèzes, là où Bioshock 2 (pour prendre un exemple du même genre) avait réussi à tenir un équilibre […]