Vous connaissez peut-être les ouvrages Dark Souls – Par-delà la mort ? Peut-être même les avez-vous appréciés ? Et par le plus grand des hasards vous souhaiteriez en connaitre plus sur leur conception, et découvrir une partie des coulisses ? Bienvenue, car c’est là le but de cette série d’articles nommée Écritures : vous faire part de mon expérience en tant qu’essayiste jeux vidéo, et plus globalement pop culture. Pour cela, pas de meilleur endroit qu’ici, sur Chroniques-ludiques.fr, puisque c’est l’article Dark Souls : analyse et explication de l’histoire et de son univers, et son petit frère Dark Souls 2 : analyse et explications qui furent à l’origine du premier livre Dark Souls – Par-delà la mort.
Été 2014, je reçois un message sur Twitter de la part de Mehdi El Kanafi. On échange un peu et il me présente le projet qu’il porte avec Nicolas Courcier, son acolyte de toujours : fonder une nouvelle maison d’éditions spécialisée dans le jeu vidéo, qui deviendra par la suite Third Éditions. Cool. Mehdi me propose ainsi de coécrire un ouvrage sur les Souls avec ExServ, ce dernier m’ayant recommandé pour la partie Univers – grâce à l’article mentionné plus haut ! -, un pan de la série qui ne l’intéressait à l’époque pas plus que ça. Lui s’occuperait alors des parties Création (le making of des jeux) et Décryptage (suite d’articles analytiques sur la série). Ces trois grands chapitres, Création, Univers et Décryptage étaient une volonté forte des éditeurs, un schéma, une marque, à laquelle toutes leurs publications s’attacheraient. L’ouvrage sur Dark Souls serait ainsi l’un des premiers livres à être publié chez Third Éditions (il a été le troisième, de mémoire). Super, super cool.
C’est autour d’un café en plein centre-ville de Toulouse, où résidaient alors Mehdi et ExServ, que tout cela s’est concrétisé entre nous. Du haut de mon blog modeste, et surtout de mon fameux « article univers » tout ce qu’il y avait de plus amateur, je n’en menais pas large. L’ambiance demeurait toutefois détendue, et le projet avait l’air sérieux et vraiment intéressant. Écrire un bouquin sur sujet qui te fascine, et le creuser jusqu’à en tirer toute la substance, c’était plus que stimulant ! Pour la partie Univers, l’idée était de reprendre mes articles sur les Dark Souls, et d’aller beaucoup plus loin dans l’analyse et le décryptage du puzzle narratif que mettent en place ces jeux. Les DLC de Dark Souls II étaient par ailleurs sur le point de sortir, et devaient être intégrés dans l’analyse. Enfin, le livre devait aussi traiter de Demon’s Souls, que j’avais fait à l’époque de sa sortie, soit cinq ans plus tôt, mais que je n’avais pas du tout creusé comme Dark Souls.
Comment aborder tout ça ? Déjà, j’avais la chance de ne m’occuper que d’un chapitre sur trois, je pouvais donc me concentrer sur cet élément et uniquement sur ça. Ensuite, et c’est une réponse évidente à la problématique, et qui peut être d’ailleurs appliquée à chaque étape de l’écriture : élaborer un plan. LE plan. Le ciment du récit, de l’analyse. Sans lui, vous êtes fichus, on est tous fichus ! Ce qui est bien avec les plans, c’est qu’ils peuvent être macro ou micro, c’est à dire qu’ils assurent la structure du livre (intro – création – univers – décryptage – conclusion – biblio – remerciements), puis prennent forme au sein de chaque partie (celle sur l’Univers est découpée par Souls, puis Contexte, Histoire et Personnages, etc.) et ainsi de suite. Par exemple, regardez cet article pour découvrir le plan détaillé de la partie Univers du premier volume de Dark Souls – Par-delà la mort.
La confection du plan est donc la première étape, et marque également les premières discussions avec l’éditeur. Une fois validé, le plan détaillé apparaît comme un phare dans l’obscurité. Il peut changer par la suite – et changera sans doute – mais il reste le point d’ancrage, aussi bien du côté auteur qu’éditeur. Il permet la communication et alimente les réflexions.
Dans la rédaction d’un ouvrage, le bon sens voudrait que l’on procède en amont par une phase de recherche, où l’on apprend son sujet puis rassemble et organise tout ce que l’on veut dire, avant de se lancer dans le processus d’écriture final. Pour ma part, et dans le cadre de ce premier bouquin, j’ai un peu tout fait en même temps ! C’est aussi ce qu’on appelle l’inexpérience, malheureusement. En effet, difficile d’avoir une idée précise du temps que l’on va passer sur tel ou tel passage, alors que la date d’échéance elle, est fixée. J’ai alors commencé par la rédaction du chapitre univers sur le premier Dark Souls, que je connaissais très bien, tout en refaisant Demon’s Souls quand j’avais un peu de temps. Le tout, évidemment, les soirs et week-ends, sinon ce n’est pas drôle ! Bref, une gestion du temps un peu chaotique pour ma part, où j’ai un peu tout fait – recherche et écriture – en parallèle, et où j’ai dépensé finalement beaucoup d’énergie pour un résultat parfois tout juste satisfaisant.
Quelques points de méthodologie à suivre ou à éviter
Voici un aparté destiné à partager mes « tests » et autres tâtonnements sur ce premier ouvrage : des outils plus ou moins utiles et un exemple de mauvaise organisation à ne pas suivre !
– Un outil de synchronisation avec un service de cloud, du type Google Drive ou Dropbox s’avère absolument indispensable. Ça semble évident dit comme ça, mais mieux vaut rabâcher que perdre des dizaines d’heures de travail sur un coup de malchance. En effet, en cas de dysfonctionnement du disque dur, les fichiers seront toujours là, sur le cloud. À chaque création et chaque modification, ils sont synchronisés sur des serveurs distants, répliqués et sécurisés. On peut aussi les récupérer facilement sur d’autres machines et travailler depuis n’importe quel endroit sans avoir à penser à emporter des sauvegardes. Indispensable, vraiment, de plus que les formules gratuites sont tout à fait satisfaisantes pour stocker ressources (recherches, images, etc.) et fichiers de travail (les textes).
– Dans ce cloud, j’avais créé un dossier « ressources » avec une arborescence assez basique, où je mettais toutes mes recherches, des artworks, des cartes, des thèses (sur la narration, entre autres), des codex de lignes de dialogues et de descriptions d’objets, des références sur la symbolique, la religion, et bien d’autres matériaux. Quant à la plupart des idées que je souhaitais approfondir, elles atterrissaient en vrac dans un document unique, « ressources.docx », et ce quel que soit l’épisode des Souls ! Bien entendu, au bout de quelques semaines, le contenu du fichier était devenu particulièrement illisible, même si, étonnamment, je m’y retrouvais. Voilà une façon de travailler à éviter ! Pour les ouvrages suivants, j’ai changé radicalement de méthode, mais ça sera pour un prochain article.
– Pour ce qui des outils d’aide à l’écriture, j’ai testé Antidote, édité par la société Druide. Antidote analyse votre texte, détecte les fautes, les répétitions, propose des synonymes, des champs lexicaux, et bien d’autres fonctionnalités. C’est assez pratique pour apprendre quelques bases et éviter des erreurs simples. Au final, je ne l’ai pas réutilisé par la suite.
– Si vous cherchez toutefois un bon dictionnaire de synonymes, celui du CRISCO est juste indispensable. Une véritable source d’inspiration, à la fois simple à utiliser, rapide et complète.
– Enfin, si vous travaillez sur Windows, utiliser Word apporte un confort non négligeable. Pas vraiment sur la mise en page, car ici on ne traite quasiment que du texte brut et un logiciel libre comme Libre Office le fait aussi très bien, mais sur la comparaison de documents. J’ai gagné un temps fou à ne vérifier que les parties modifiées suite au passage d’un correcteur ou d’un relecteur, des intervenants externes qui n’activent pas forcément le suivi de modifications et qui peuvent apporter des ajustements transformant parfois le sens du propos. Une situation rare, mais qui arrive, et que l’on peut facilement surveiller en comparant les documents avec Word. Pensez juste à ne pas prendre en compte la mise en forme du texte dans la comparaison, mais seulement le contenu !
Mehdi, qui supervisait le projet chez Third, m’avait prévenu, les premiers allers-retours de textes entre auteur et éditeur sont souvent assez denses, avec beaucoup de corrections et modifications à apporter. Un euphémisme, j’ai du passer autant de temps à traiter ses retours, que l’écriture même des chapitres ! J’exagère, mais c’était du boulot, surtout les premières fois. Inexpérience à nouveau, puisque beaucoup d’éléments, en plus de mauvaises formulations, demandaient des explications ou davantage d’analyse. C’était à la fois un peu décourageant, et réellement passionnant. Sur la confection de ce premier livre, j’ai appris des milliers de choses. Vraiment. Voir ses idées, son texte, évoluer, s’améliorer, c’est quelque chose ! Ce processus, assez chaotique pour moi, et sans doute pour Mehdi aussi, s’est répété plusieurs mois, peut-être jusqu’en février ou mars 2015. J’étais un peu dans ma bulle « Univers » durant tout ce temps, alors que chez mon coauteur, il y avait eu du chamboulement…
Avec l’opportunité d’un CDI chez Gamekult (quand même !), ExServ a en effet décidé de quitter ce projet de bouquin Dark Souls, pour déménager à Paris et prendre ses fonctions sereinement dans cette nouvelle rédaction. Il raconte d’ailleurs tout ça dans l’introduction de son ouvrage (chez Third Éditions aussi, paru quelques années plus tard) Diablo – Genèse et rédemption d’un titan. Branle-bas de combat, et changement de coauteur pour rédiger les parties Création et Décryptage de Dark Souls – Par-delà la mort, c’est Damien Mecheri qui est alors venu en renfort. Il avait déjà écrit – entre autres – La légende Final Fantasy X, aussi dans les tuyaux du lancement de Third Éditions, et était lui aussi fan de la série des Souls. Je connaissais Damien avant Third, puisque nous fréquentions un forum de passionnés de jeux vidéo, et plus particulièrement de RPG, à savoir celui du magazine Background. Bref, notre collaboration s’est faite assez naturellement, notre approche et notre sensibilité vis-à-vis des Souls étant assez semblables au final.
Le 28 mai 2015 sortait donc Dark Souls – Par-delà la mort. Grande fierté pour ma part, et grande excitation aussi ! Si je trouvais l’ouvrage réussi, autant sur le fond que sur la forme, avec de magnifiques couvertures et illustrations originales marquant chaque chapitre – un choix coûteux pour l’éditeur, qui ne sera pas généralisé sur ses publications suivantes -, je me demandais si le public y serait également réceptif. Et ce fut le cas ! L’édition First Print (version collector avec couverture alternative au tirage unique) s’est retrouvée en rupture de stock quelques jours après sa sortie, et le bouquin s’est bien vendu par la suite, et continue d’ailleurs de se vendre, cinq ans plus tard !
Retour d’expérience
Écrire un livre – ici, une moitié de livre – demande un temps fou, et une quantité de travail difficilement imaginable au premier abord. Surtout quand on part de rien, sur une première expérience où il est nécessaire d’acquérir connaissance et compétence, et d’apprendre à écrire un livre, tout simplement. Au-delà du style ou de l’orthographe, le respect de la typographie, ou encore l’organisation des différentes idées sur des dizaines de pages, ce ne sont pas vraiment des savoirs innés ! C’était difficile et long – Mehdi a été patient et de bon conseil, je ne le remercierai jamais assez. De nombreux soirs, nuits et week-ends ont ainsi été engloutis par les mots et le brouillard narratif des Souls. Aussi, mon premier fils est né quelques mois avant la sortie du livre, c’est-à-dire dans les dernières lignes droites de corrections et de relectures. Période chargée donc, mais à la vue du produit fini, c’est une part de soulagement et une autre de satisfaction, qui m’ont envahi. J’étais très heureux de cette expérience, presque « en manque » d’écriture après quelques semaines. Sensation très étrange…
A la parution du livre, Bloodborne était déjà sorti. Nous n’avons pu toutefois le traiter, puisque le temps dans le monde de l’édition est différent, étiré. Chaque étape se jouant sur plusieurs mois, de préparation, de réflexion, de correction, d’impression, il nous était impossible de traiter Bloodborne décemment, et, il va sans dire, dans sa globalité, puisqu’un DLC sortait en septembre 2015. C’est d’ailleurs au cours de ce même mois que Mehdi m’envoya un email, m’indiquant de prendre quelques notes si jamais je refaisais un run de Bloodborne. Une façon de m’annoncer que l’aventure chez Third n’était pas terminée, et qu’un nouvel ouvrage – on ne savait pas encore sous quelle forme – sur les productions de FromSoftware pourrait bien voir le jour.
La suite dans la prochaine partie d’Écritures !
(Si vous avez des questions sur l’élaboration de cet ouvrage, n’hésitez pas à les poser dans la section des commentaires)
4 réponses à “Écritures – première partie (Dark Souls – Par-delà la mort)”
C’est une rubrique fortement intéressante merci beaucoup. J’ai découvert third il n’y a pas longtemps tout comme le site. j’ai dévoré les articles sur les souls et bloodborne qui m’ont apporté de bonnes clefs de compréhension d’un univers assez compliqué vu que mis à part Mass Effect et FF je ne jouais pas à grand chose^^
Il me tarde de dévorer les deux volumes (Noël approche…). Tu as eu des moments de vide au cours de l’écriture?? où il était impossible de rédiger?? et conciliais-tu une autre activité pro à côté?? si oui comment gérer et organiser??
un grand bravo pour le site!!
Salut, et merci pour ton retour !
Je n’ai pas de souvenirs précis de moments de vide. Disons que le sujet m’a pas mal inspiré, et au pire, si j’avais un coup de mou sur un jeu, il y en a avait deux autres à creuser, aux univers bien différents ! Après on n’échappe pas aux baisses d’inspiration, surtout dans la partie rédactionnelle pure. Parfois, les mots ne sortent pas naturellement, et chaque phrase ou paragraphe prend un temps fou à rédiger, et d’autres fois, tout s’écrit assez logiquement. Sur ce point, je n’ai pas encore compris comment ça marchait pour tout avouer. Peut-être est-ce une question de fatigue, d’environnement, ou de sujet en particulier. Mais tout ça, ce n’est pas ce que j’appellerais un moment de vide. Un moment de vide, c’est effectivement page blanche sur plusieurs jours, voire semaines, et ça, heureusement, je n’y ai pas encore été confronté ! On pourrait aussi parler de moments de doute, là j’en ai eu quelques uns par contre, sur la pertinence d’une idée, ou sur la crainte du hors-sujet total. En général je me retourne vers l’éditeur, qui est de bon conseil. Un regard extérieur se montre en général indispensable, surtout quand on a la tête dans le guidon depuis un certain temps.
D’autre part, oui j’ai un boulot à plein temps à côté de l’écriture des bouquins. Du coup j’écris les soirs et week-ends, ou les matins tôt, voire entre midi et deux si j’arrive à décrocher un peu de mon travail (lui aussi très prenant ! ). Durant les vacances, je bouge, donc pas possible d’avancer non plus sur l’écriture, mais ça fait du bien aussi. Maintenant, j’ai deux enfants, donc je ne peux désormais écrire que le soir. Les livres sont justes plus longs à écrire ! Après je pense avoir une bonne capacité à me concentrer, même 10-15 minutes, sur un sujet. C’est à dire que je peux bosser très régulièrement, même pas longtemps, sur le bouquin, et repasser à autre chose. Ça ne me dérange pas en fait, même si, évidemment, je préfère avoir de larges plages horaires pour me consacrer sereinement à un travail…
Merci beaucoup pour ta réponse!! c’est finalement assez rassurant de constater que même avec une vie bien rempli il est possible d’écrire. Bon allez je vais gratter ma chère et tendre pour les volumes de « par delà la mort ».
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