Autant le dire de suite, je n’ai pas encore terminé The Witcher 3. J’imagine même être assez loin de la fin. De fait, cette chronique n’est pas du tout un test complet du titre de CD Projekt, mais un petit aperçu d’une qualité qui met à l’amende la plupart des concurrents du genre : l’authenticité de son open-world. Et à mon avis, ça va être difficile pour les futurs jeux du même acabit, de passer après la tornade narrative The Witcher 3.
Après avoir parcouru la campagne marécageuse de Velen, me voici fraichement arrivé dans la grande ville du coin, Novigrad. Un endroit gorgé d’intrigues et de gens mal intentionnés. C’est aussi l’occasion pour moi de faire le point sur ces heures passées à dos de cheval, sillonnant villages et monts escarpés, et expliquer en quoi The Witcher 3 se démarque des autres RPG occidentaux, Skyrim par exemple ? Plusieurs choses à cela.
La première, c’est que l’on contrôle le charismatique Geralt de Riv. Ici, point de personnage lambda créé à la va-vite via un éditeur de tronches plus laides les unes que les autres. D’ailleurs, Geralt n’est pas forcément beau. Il a même une énorme cicatrice en travers du visage, mais comme il nous est imposé, on doit faire avec. Son rude caractère aussi, nous est imposé. Cynique, parfois blessant, brutal ou au contraire compatissant envers les innocents et autres espèces rares en danger, Geralt est un Sorceleur, soit un alchimiste-naturaliste, qui connait parfaitement comment fonctionne son environnement, et les êtres qui y vivent. Certes, le joueur choisit souvent quelle tournure prennent les dialogues et les situations, mais ne déborde jamais sur les convictions du personnage qu’il incarne. Ce point marque vraiment une différence avec les RPG en monde ouvert imaginés par Bethesda (et les autres, de manière générale), qui, eux, mettent en scène un individu anonyme, avatar sans âme du joueur, et pantin de ses actions. Geralt est un personnage authentique (un mot que nous allons décidemment utiliser plein de fois), il a un passé imposant qui ne cesse de le rattraper au fil des rencontres, tant il a bourlingué et connait du monde.
Ce travail de fond sur l’écriture des personnages se retrouve un peu partout dans The Witcher 3. Rien ne semble mentionné au hasard, et hormis quelques bugs perturbants sur les dialogues, la cohérence est de mise, que ce soit vis-à-vis des différentes personnalités ou de l’avancement général de l’histoire, surtout lorsque les quêtes se recoupent. Car oui, les embranchements surviennent de temps à autre. On croise ou recroise certains protagonistes, qui n’oublient pas, ni ne faillissent dans leur raisonnement ou leur sentiment envers Geralt. Cela parait tellement naturel que l’immersion du joueur se fait spontanément. Et pour consolider ce ressenti, chaque personnage semble unique, aussi bien dans son caractère donc, que dans sa modélisation ou son accoutrement. En effet, et pour une fois, les visages ne se ressemblent pas. Un tel aura des boutons, cicatrices et une coupe au bol, tandis qu’un autre sera affublé d’une épaisse barbe grisonnante, fourmillant sous un énorme pif orné de rides. Leurs vêtements et même leur accent, souvent à couper au couteau, peuvent donner des indices sur leurs origines. Les créateurs ont vraiment réussi à insuffler la vie dans la plupart des habitants que l’on rencontre. Le Baron Sanglant par exemple, ne peut être confondu avec aucun autre personnage ; une certaine aura, du charisme même, se dégage de sa présence. Personnellement, je n’ai jamais ressenti cela dans un Skyrim ou un Mass Effect, ou en tout cas seulement sur certains personnages clés, et pas sur n’importe quel quidam comme peut le mettre en avant The Witcher 3.
L’univers dépeint dans le jeu n’a par ailleurs rien à envier à l’authenticité de ses personnages. Tout est cohérent. Tout est réaliste. Réalise à son niveau, bien entendu, car magie et bestiaire légendaire évoluent en harmonie avec les inégalités économiques, la guerre et les intrigues qui en découlent. Celles-ci bénéficient encore une fois d’une attention particulière au niveau de l’écriture. Disons qu’il n’est pas rare d’être surpris lorsque l’on avance dans les (très) nombreuses quêtes. Un contenu plus que conséquent d’ailleurs, à l’image du gargantuesque Skyrim, mais qui, contrairement à ce dernier, arrive à proposer une certaine qualité et consistance dans son propos, et pas simplement une série de quêtes quelconques, qui ennuient plus qu’autre chose au final.
Le prochain gros RPG en monde ouvert, Fallout 4 pour ne pas le nommer, va devoir faire plus que ses prédécesseurs pour arriver à contenter le joueur qui sort tout juste de The Witcher 3, immergé durant des heures dans un monde à la fois passionnant et magnifique jusque dans les moindres détails (le vent qui souffle dans les arbres, la barbe de Geralt qui pousse au fil des jours, …). J’ai donc un vieux doute quant au prochain Fallout, et ce serait mérité de le bouder s’il reste sur ses acquis fragiles, car oui, on peut concevoir un RPG avec un open-world d’envergure, bien écrit sur la durée, authentique et cohérent sur toute la ligne, et intéressant dans son moindre propos. Il faut de la rigueur et du temps, un temps fou même, mais c’est possible. J’espère que le public deviendra du coup plus exigeant, pointant du doigt ces jeux mal écrits qui nous font perdre notre temps, avec leurs personnages sans saveur et leurs missions ordinaires, pourtant au sein d’environnements extraordinaires.
Une réponse à “The Witcher 3 – un exemple pour les futurs RPG occidentaux”
[…] The Witcher 3 – un exemple pour les futurs RPG occidentaux […]